Histoire du Soldat

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Dernière étape d’une collaboration dramatique et musicale développée sur les bords du Léman entre →Charles Ferdinand Ramuz et Igor Strawinsky, l’H. appartient aujourd’hui au répertoire mondial. Dans le courant des années 1916 et 1917, Ramuz adapte en français plusieurs contes russes pour des musiques de Strawinsky (Renard et Noces entre autres), puis leur collaboration s’équilibre pour l’H., dont ils écrivent en parallèle le texte et la musique. L’argument est à nouveau tiré d’un conte populaire russe: un soldat échange avec le Diable le petit violon qui fait sa joie contre un livre qui le rend riche. Puis, il saoule le Diable en le laissant gagner au jeu toutes ses richesses, reprend son instrument avec lequel il gagne le cœur d’une Princesse, pour tout risquer à nouveau par imprudence. La pièce est créée le 28 septembre 1918 au →Théâtre Municipal de Lausanne (TML) avec des décors de →René Auberjonois, →Ernest Ansermet à la baguette, →Georges et →Ludmilla Pitoëff dans les rôles dansés du Diable et de la Princesse et Jean Villard, qui ne porte pas encore le pseudonyme de →Gilles, dans le rôle parlé du Diable, Élie Gagnebin dans celui du Lecteur. Combinant dialogue, récit, mime, danse et musique, elle constitue une œuvre novatrice qui déconcerte au moins deux générations de critiques francophones. De part et d’autre d’un tréteau central où paraissent le Soldat, le Diable, la Princesse, la scénographie originelle dispose sur la scène, d’un côté le Lecteur, personnage de récitant, et de l’autre un orchestre de sept musiciens et son chef. Lors de la création, le principal appui financier provient du mécène Werner Reinhart de Winterthur, dont la traduction en allemand du texte joue un rôle important pour la survie de l’œuvre. En Suisse allemande (dès 1924), en Allemagne (1923-33), en Autriche, dans les pays du Nord et les Balkans, l’œuvre continue d’être tournée avec succès durant l’entre-deux-guerres. En revanche, malgré sa publication en 1920 dans le dernier numéro des Cahiers vaudois, la pièce n’est plus jouée en Suisse romande, sinon une fois au →Grand Théâtre de Genève en 1934, avec pour Lecteur Jean Cocteau. En France, elle échoue aussi bien dans les versions de Pitoëff (1924) que de Pierre Brasseur (1925). Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale et une nouvelle génération intéressée par les innovations formelles pour que la pièce soit à nouveau représentée. Elle connaît de nombreuses reprises dans toute l’Europe, notamment au Grosser Konzerthaussaal de Vienne en 1948 dans des décors et des costumes de Fritz Wotruba. En Suisse romande, elle est interprétée par →François Simon au Grand Théâtre de Genève (1944/45). →Charles Apothéloz et →Éliane Guyon en donnent une version avec de grandes marionnettes en 1954 au →Théâtre de Beaulieu à Lausanne et en tournée avec les Jeunesses musicales romandes, placées sous la direction de →Jean-Marie Auberson. Celui-ci dirige à nouveau l’orchestre pour le septantième anniversaire de l’œuvre, dont le TML confie la mise en scène à →Moshe Leiser et Patrice Caurier (1988). Depuis les années septante, il ne se passe guère d’années sans nouvelle réalisation de cette œuvre phare. En 1975 au Théâtre de l’Université de Tours, Jean-Pierre Ryngaert la met en scène et en 2004, William Tuckett en donne une version au Royal Opera House de Londres.

Bibliographie

  • "Théâtre et musique: études sur l’H. de C. F. Ramuz et Igor Strawinsky", in Les Voies de la création théâtrale, vol. VI, Paris, CNRS, 1978.
  • Véra Pagin, Histoire et histoires de l’H., Nyon 1980.
  • L’H., septantième anniversaire, 1918-1988, programme du Théâtre Municipal de Lausanne, 1988.
  • Joël Aguet, "L’H. ", in Histoire de la littérature en Suisse romande, vol. 2, Lausanne, Payot, 1997.


Auteur: Joël Aguet



Source:

Aguet, Joël: Histoire du Soldat, in: Kotte, Andreas (Ed.): Dictionnaire du théâtre en Suisse, Chronos Verlag Zurich 2005, vol. 2, p. 849.