Jean Villard Gilles

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*  26.6.1895 Vernex (actuellement Montreux) VD, † 26.3.1982 Saint-Saphorin (Lavaux) VD. De son vrai nom Jean Jacques Maurice Villard.

Après avoir créé au →Théâtre de Lausanne le rôle du Diable dans l’→Histoire du Soldat de →Charles Ferdinand Ramuz et Igor Strawinsky (28.9.1918), il se présente sur leur recommandation à Jacques Copeau, qui l’engage comme accessoiriste puis régisseur (1919-24) dès la réouverture de son Théâtre du Vieux-Colombier, à Paris; là, le jeune homme joue dans deux créations: Le Paquebot Tenacity de Vildrac (6.3.1920) et L’Œuvre des athlètes de Georges Duhamel (10.4.1920). Lorsque Copeau se retire en Bourgogne, il le suit avec les plus jeunes représentants de la troupe et les élèves de l’école de ce Théâtre pour mener en Bourgogne, dans des conditions ascétiques, un travail de recherche visant à former un nouveau type de comédien, capable de jouer plus souplement de la voix et surtout du corps, assimilant à l’art de dire les découvertes d’→Émile Jaques-Dalcroze, le renouveau du mime, accumulant aussi les capacités de chanter, de danser et d’improviser. Il est l’un des animateurs de l’équipe qui présente les résultats de ce travail en adoptant leur surnom local de Copiaus, et l’auteur de plusieurs de leurs textes, scénarios ou musiques (1925-29). L’un de ses rôles favoris est alors celui de Gilles, personnage tendre et malicieux des anciennes farces. Au début des années trente, il adopte ce nom, lorsque, après quelques engagements comme comédien dans La Compagnie des Quinze et à Genève chez →Carmen d’Assilva, il entame une carrière internationale d’auteur-compositeur-interprète, formant avec Aman Maistre, un autre Copiau, le duo Gilles et Julien (1932-38). Il écrit et compose alors des chansons virulentes, antimilitaristes, populaires, qu’il chante avec lui, dont Dollar (1932), La Reprise des affaires (1934), La Belle France (1936) et les présente notamment à l’A.B.C., à Bobino, à l’Alhambra. De retour en Suisse en 1939, il est d’abord mobilisé, incorporé dans les troupes territoriales. Il passe à cette époque avec la radio un contrat qui le force à fournir chaque semaine, pendant une année, le texte et la musique d’une chanson nouvelle; il en sort notamment Le Petit Carrousel, Lausanne et Les Trois Cloches, qui connaît après la guerre un succès mondial dans l’interprétation d’Édith Piaf. Il travaille aussi avec la troupe du Radio-théâtre et il est engagé par le théâtre aux armées que dirige →Jacques Béranger. Il y rencontre la chanteuse et pianiste Édith Burger, avec laquelle il forme le duo Édith et Gilles (1940-48) qui inaugure à Lausanne le Coup de Soleil (19.10.1940). Ils chantent durant plusieurs années dans ce cabaret où la jeunesse lausannoise se rassemble alors, comme en un lieu de résistance spirituelle contre les tentations mauvaises du temps. De cette époque datent entre autres Les Napus, Quatorze juillet bel hommage à la France, alors occupée, Les Conquérants, Mille ans déjà, comme le temps passe, À l’enseigne de la Fille sans cœur (1946). Il expose à cette époque ses réflexions et ses souvenirs de théâtre lors d’une conférence marquante au Théâtre Municipal de Lausanne (24.1.1944), organisée par la Société des Études de Lettres et qui est publiée sous le titre La Chanson, le théâtre et la vie (Lausanne, Mermod, 1944). Il dispense aussi son expérience de l’expression gestuelle en quelques cours suivis notamment par →Charles Apothéloz. Il traite à cette époque de sujets vaudois ou suisses avec mordant et tendresse: Les Peuples du vent (1942), Le Männerchor de Steffisbourg (1942), Le Frauenverein (1943), La Fanfare de Breganzona (1943), La Petite Fête villageoise (1946), La Venoge (1954), Les Vaudois (1957), Nos Colonels (1958), Le Langage vaudois (1959). Il chante toujours avec une même exigence, sensible, révolté et avec foi, donnant par ailleurs Le Bonheur (1948). Modèle pour Brassens, maître pour Brel, il est l’un des pères de la chanson française. Il écrit aussi deux pièces pour le →Théâtre du Jorat. Dans Passage de l’Étoile (Lausanne, Rouge, 1950), qui y est créée avec une musique de →Hans Haug (3.6.1950), il conte l’irruption dans un petit village d’une belle réfugiée, blessée et amnésique, qui danse comme une grande artiste et émerveille. La Grange aux Roud (Genève, Meyer, Le Mois théâtral, 1960), sur une musique de →Jean Binet, propose un drame terrien de l’autorité paternelle (28.5.1960). Entre ces deux réalisations, l’auteur retourne à Paris diriger le cabaret Chez Gilles, à l’avenue de l’Opéra, et y interprète son répertoire avec Albert Urfer (1950-58). Établi à Saint-Saphorin, il donne en Suisse de nouveaux tours de chant avec Urfer (1960-70). Il revient encore sur scène pour un hommage imaginé par →Jack Rollan (1975), et pour celui que lui rend toute la Chanson romande, à Lausanne-Bellerive (1.9.1979). Il laisse plusieurs recueils de ses textes: Poèmes et Chansons (Lausanne, Mermod, 1944), La Venoge et autres poèmes (Lausanne, Verseau/Payot, 1960), Chansons que tout cela ! (Lausanne, Rencontre, 1963), Amicalement vôtre. Mon grand album, récits, chansons, souvenirs (Lausanne, Pierre-Marcel Favre, 1978), Les Chansons de G., paroles et musiques (Lausanne, Pierre-Marcel Favre, 1981), Le Meilleur de G., en trois tomes (Lausanne, Publi-Libris, 2001). Il a rédigé aussi ses mémoires: Mon demi-siècle (Lausanne, Payot, 1954), texte repris et augmenté dans Mon demi-siècle et demi (Lausanne, Rencontre, 1970).

Bibliographie

  • Denis Gontard, Le Journal de bord des Copiaus, Paris, Seghers, 1974.
  • Alex Décotte, Le Siècle de G., Zurich, Silva, 1995.
  • Christian Marcadet, "G. et Julien, une fulgurante carrière de duettistes dans le Paris des années trente", in Revue historique vaudoise, Lausanne, 2001.


Auteur: Joël Aguet



Source:

Aguet, Joël: Jean Villard Gilles, in: Kotte, Andreas (Ed.): Dictionnaire du théâtre en Suisse, Chronos Verlag Zurich 2005, vol. 1, p. 713–714, voir figure p. 714.